L’équité face aux réalités de la pandémie

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Les audiences du palais de justice sont restées accessibles à tous via Teams. (Photo : Coline Cornuot)

Selon la Charte Canadienne des droits et libertés, enchâssée dans la Constitution, « le droit ne fait acception de personne et s’applique également à tous ». Ce principe pourtant fondamental a bien failli être mis à mal par les bouleversements de la pandémie, et le maintenir à tout prix a été l’un des objectifs principaux de tous les acteurs du monde judiciaire. 

Les difficultés pour certaines catégories de la population, comme les personnes âgées ou à faible revenu, à s’adapter au virtuel pouvaient faire craindre des disparités à l’heure du passage en visioconférence. Mais du point de vue des magistrats, des procureurs ou des avocats de la défense, il n’y a pas eu d’entorse au principe d’équité devant la justice. 

« En aucun cas, les gens n’ont été forcés d’utiliser le virtuel, justement par souci d’équité », explique le criminaliste François Dionne, qui rappelle que les salles du palais de justice sont restées ouvertes, malgré des consignes pour limiter au maximum le nombre de personnes présentes. Dans les cas où ses clients ne pouvaient pas accéder aux audiences en ligne, il s’arrangeait pour les faire venir dans son bureau. Cette procédure était également appliquée par l’avocate du bureau d’aide juridique de Jonquière, Gitane Smith. 

De meilleures conditions d’audience 

Le passage à des audiences virtuelles via la plateforme Teams a au contraire réduit certaines inégalités entre les justiciables. En plus d’épargner aux personnes à faible revenu une dépense additionnelle, l’absence de déplacement permet à beaucoup de se présenter à la Cour dans des conditions plus favorables. D’après Me Smith, les audiences par Teams sont appréciées par les détenus « car ils n’ont plus à se lever à l’aube pour faire le trajet entre le centre de détention de Roberval et le palais de justice de Chicoutimi », ce qui leur évite de passer la journée dans les petites cellules de détention du palais de justice.  

Ces meilleures conditions bénéficient aussi aux victimes et aux témoins, qui peuvent rester dans le confort rassurant de leur domicile pour témoigner et éviter un trajet potentiellement source d’angoisse, notamment l’hiver. 

Pour la Directrice des poursuites criminelles et pénales (DPCP) du district d’Alma, Amélie Gilbert, l’avantage de la visioconférence est même double pour les victimes, car elles ne risquent plus de rencontrer le prévenu inopinément.  

Des justiciables plus concernés 

Le passage à la visioconférence a aussi permis aux justiciables d’assurer un meilleur suivi de leur dossier selon Me Gilbert. « Beaucoup de gens prennent un 10 ou 15 minutes pour se connecter pour assister à des procédures plutôt que de passer la matinée au palais de justice », précise-t-elle. 

La juge en chef à la Cour Supérieure du Québec Catherine La Rosa a par exemple fait face à un jugement de divorce peu banal. Lors de l’audience, la femme s’est présentée dans son salon, tandis que son mari est apparu sur le toit d’un bâtiment en construction, en uniforme de travail. À la fin de la séance, ce dernier a expliqué à la juge être content d’avoir pu participer à distance, car cela lui a évité de perdre une journée complète de travail. La situation, qui apparaît à première vue comme une entorse au décorum, a fait se questionner la magistrate : « Est-ce qu’on pourrait permettre ça dans le futur ? Je ne dis pas oui, mais je ne suis pas contre. » 

 

Écrit avec Coline Cornuot

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