La classe moyenne contrainte de s’en remettre à l’alimentation solidaire

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Des bénéficiaires attentent l’ouverture du local des Gratuivores, à Chicoutimi. Photo : Théo Laroche 

L’inflation force un nouveau profil d’individus à bénéficier de l’alimentation solidaire. À Chicoutimi, les organismes qui proposent de la nourriture gratuite ou à bas coût n’ont jamais été aussi sollicités. « On est passés de 1 000 familles par mois à 4 000 », note la présidente des Gratuivores, Maryse Gagné. 

 Ils sont actifs, retraités, étudiants internationaux ou simplement jeunes Saguenéens. Seuls, entre amis et parfois même en famille, ils frappent à la porte des Gratuivores, dans le centre de Chicoutimi. Cet organisme récupère de la nourriture auprès de commerces locaux et la met à disposition tous les après-midis de la semaine. 

Devant le local des Gratuivores de Chicoutimi, une trentaine de personnes patiente à l’ombre d’un immeuble, dans une rue exigüe. Le froid transperce les gants et même les épais manteaux. « Je viens ici une ou deux fois par semaine », souffle Madiba dans un petit nuage de vapeur. Venu du continent africain, il étudie à l’Université de Québec à Chicoutimi. Jeffrey et Juan, Guatémaliens, sont agriculteurs au Saguenay depuis sept mois. Si leur salaire actuel est meilleur que celui de leur pays d’origine, le coût de la vie canadienne et l’inflation ont eu raison de leur indépendance alimentaire. 

La présidente des Gratuivores Maryse Gagné observe depuis près d’un an une augmentation sensible de la demande, dont elle tient l’inflation pour cause. « On a des personnes qui gagnent près de 70 000 $ par an, qui n’avaient pas de problème pour se nourrir et qui aujourd’hui ne sont plus capables de finir le mois, qui doivent se priver en se disant “j’aimerais ça mais je ne peux plus” », constate-t-elle. 

La classe moyenne en première ligne 

Les Gratuivores ont décidé de ne pas limiter les bénéficiaires, préférant les rationner sur certaines denrées comme le lait ou la viande. Pas besoin donc de fournir une preuve de revenus.  

Beaucoup sont des habitués, mais tous ne viennent pas tous les jours. Le panier de Tommy Lehaux déborde de petits pains. Ce jeune de 20 ans ne peut pas travailler à cause d’une appendicite. « Je viens une fois par semaine depuis deux mois, la plupart du temps pour récupérer du pain. C’est vrai que ça me permet de manger à ma faim. Je ne travaille pas, mais je sais que le problème, c’est les salaires. Le gouvernement devrait nous aider davantage, l’inflation augmente, donc les salaires devraient faire pareil ! », exprime-t-il.  

Près de lui, Gabriel Angiolini, 18 ans, remplit son carton de concombres et de bananes. « Moi je ne viens pas toutes les semaines, renchérit-il. Parfois, je suis capable d’aller à l’épicerie. Mais c’est vrai qu’à la fin du mois, c’est bien de pouvoir compter sur des bonnes affaires. »  

Des bonnes affaires qui prennent la forme de denrées au bord de la péremption cédées par les industriels à Moisson Saguenay, principal organisme de lutte contre le gaspillage au Saguenay qui redistribue aux différentes associations. « Ça peut arriver que ça soit périmé, mais au moins, c’est gratuit », sourit Carmen Bouchard, une bénéficiaire.

 

Les bénéficiaires remplissent leurs cartons de fruits et légumes frais aux Gratuivores de Chicoutimi. Photo : Théo Laroche 

Un système solide 

Les Gratuivores jouissent également de partenariats noués avec des industriels. Preuve de l’augmentation de la demande, l’organisme s’est récemment doté d’une fourgonnette pour faire la tournée de récupération de nourriture auprès des dépanneurs et autres commerces du Saguenay. Par ailleurs, il a fait installer des frigos solidaires à La Baie et au Cégep de Chicoutimi.  

Les Gratuivores tiennent régulièrement des stands dans les cégeps et les universités de la région pour que toute personne dans le besoin sache que cet organisme existe. Les affamés ou ceux désireux de manger à leur faim, « tout le monde est le bienvenu », assure la trésorière des Gratuivores, Thérèse Baudoin. « Je mange ce qu’il faut, mais tout coûte trop cher, alors l’alimentation solidaire me permet d’être confortable », conclut Tommy Lehaux.

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