Acheter sa notoriété sur les réseaux sociaux

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Faire l’achat d’un badge bleu ou encore de faux abonnés est devenu monnaie courante sur les réseaux sociaux au cours des dernières années. Plus accessibles que jamais, ces techniques permettent à certains internautes de se procurer une « fausse » notoriété. Une pratique dont il faut se méfier selon la psychologue à l’Université de Montréal, Geneviève Beaulieu-Pelletier.

Âgé de 20 ans, Nathan Lachance s’est lancé en affaires sur les réseaux sociaux au mois de décembre dernier. Son travail consiste à guider des experts de divers domaines dans la conception et l’élaboration de cours en ligne payants.

En quête de ses tout premiers partenariats, le jeune entrepreneur s’est notamment tourné vers la plateforme LinkedIn pour entrer en contact avec des clients potentiels. Question d’aider à faire décoller son image professionnelle à peine embryonnaire, il a également fait l’achat d’une certification ainsi que de 2000 faux abonnés sur Instagram.

« Si tu vois que quelqu’un t’a écrit en privé, qu’il a un crochet bleu et quelques milliers d’abonnés, il a l’air plus crédible qu’un inconnu avec 300 abonnés. C’est pas nécessaire, mais ça aide beaucoup. Surtout pour commencer. C’est sûr que tu pourrais faire des vidéos et essayer de te faire des abonnés naturellement, mais quand tu n’es pas encore un pro du montage et de l’algorithme, ça facilite énormément les choses », croit Nathan Lachance.

Un procédé populaire à l’ère actuelle des réseaux sociaux qui devrait inciter les consommateurs du web à aller au-delà des perceptions selon Geneviève Beaulieu-Pelletier.

« Ça rappelle l’importance de s’informer, de prendre le temps de se demander qui est la personne qu’on est en train de suivre. Il faut vérifier la popularité d’une personne est basée sur quoi. Est-ce que c’est réellement par son nombre d’abonnés, par des logos comme ceux-là ? Est-ce que je peux m’intéresser au parcours de cette personne-là. Qu’est-ce qu’elle met de l’avant, quelles sont ses idées ? », soutient la psychologue.

Facile et accessible

Ce n’est que l’an dernier que l’entreprise Meta a rendu possible la certification à tous via ses plateformes de Facebook et Instagram, à condition de payer des frais mensuels. Au moment d’écrire ses lignes, ceux-ci s’élevaient à 19,99 $. Auparavant, le badge bleu était exclusivement dédié « à une personne, une marque ou une entité connue ».

Quant à l’achat de faux abonnés, la pratique existe déjà depuis plus longtemps et il existe des sites web se comptant par dizaines qui offrent ce service. Les tarifs varient généralement selon le nombre d’abonnés désirés et la qualité de ceux-ci.

Dans le cas de Nathan Lachance, c’est environ 15$ qu’il a dû débourser pour obtenir son lot de 2000 abonnés via la plateforme Instagomo.com. Cette crédibilité qu’il recherche, Mme Beaulieu-Pelletier le confirme, est liée de près au nombre de personnes qui suivent un compte sur Instagram. D’autant plus qu’il est difficile de discerner les vraies des fausses en un coup d’œil.

« Ça amène une crédibilité à la personne. Plus le nombre est grand, plus on se fie au jugement des autres. Le regard que les autres ont porté avant moi amène cette crédibilité-là », précise Mme Beaulieu-Pelletier.

Stratège numérique au sein de la firme de relations publiques TACT, Valérie Beaudoin-Carle ne s’en cache pas, elle est loin d’être une adepte de cette façon de faire.

« Je compare ça avec les pages qui font des fameux concours. On en voit plein sur Instagram où tu dois liker, commenter et t’abonner pour participer. Cette publication-là est excellente pour créer des résultats spontanés, mais ce ne sera pas bon à long terme. C’est bien beau avoir 15 000 abonnés, mais si ton taux d’engagement est en bas de 2%, ta publication va seulement t’avoir aidé à amener des gens qui ne sont pas là pour les bonnes raisons », explique-t-elle.

L’achat de la certification, plus explicite, peut s’avérer être un couteau à double tranchant selon Mme Beaulieu-Pelletier.

« On sent qu’il y a plus quelque chose de publicitaire parce qu’on met un budget. Ça peut avoir un effet repoussoir. Cependant le fait de pouvoir se fier à un logo vient sécuriser les personnes. C’est la même chose par exemple au niveau environnemental ou en santé. Si on a un petit logo sur des céréales qui nous dit que c’est santé, on prend pas le temps de vérifier et on se base sur ses logos », ajoute celle qui est également conférencière.

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