Les artistes migrateurs
Olivier Langevin a réalisé les albums de plusieurs artistes, notamment Gab Bouchard. (Crédit photo : François Viel)
« Et ce matin le vacarme de la ville m’enchante / C’est que les cantons et la campagne c’est pas demain la veille / En attendant, j’ai Montréal qui est belle un peu pareil »
Ces paroles de la chanson Kérosène du groupe almatois Marie Céleste résument bien le sentiment que plusieurs artistes du Saguenay-Lac-St-Jean éprouvent. Leur attachement à la région est fort, mais le besoin de voir autre chose l’est encore plus. De là se nourrit l’identité artistique de Philippe Brach, Olivier Langevin et Marie Céleste.
Emmanuelle Vérité-Lapointe
La genèse
Beaucoup d’artistes sont originaires du Saguenay-Lac-St-Jean. Pourquoi cela, la question se pose. « En blague, je dis tout le temps que c’est parce qu’on n’avait rien à faire », répond Olivier Langevin, meneur du groupe Galaxie. Le musicien sait depuis qu’il a reçu sa première guitare vers l’âge de 12 ans que la musique sera son métier.
Pour le chanteur et guitariste de Marie Céleste, Simon Duchesne, qui a commencé la musique à Alma lorsqu’il était enfant, c’est l’omniprésence de la nature qui explique peut-être la naissance d’autant d’artistes. « Je trouve que le Lac-St-Jean a été un grand propulseur d’art de toute sorte. On dirait que le grand espace ça permet d’avoir un recul sur la vie. »
Une vision partagée par l’auteur-compositeur-interprète chicoutimien Philippe Brach, qui a découvert la musique pendant ses études en Art et technologie des médias. « C’est au cégep que j’ai commencé. Ça a été ma porte d’entrée pour composer des chansons et pour les jouer devant du monde. »
Le groupe Marie Céleste, dont fait partie Simon Duchesne, a participé aux Francouvertes en 2023. (Crédit photo : Bravo musique)
Voir autre chose
Malgré leur amour pour leur région, les trois artistes ont déménagé à Montréal au début de l’âge adulte. Cette décision ne provenait pas du désir de débuter une carrière en musique au départ, c’était plutôt pour les études, le travail et le besoin de découvrir autre chose. Tous avaient tout de même des ambitions musicales et c’est à Montréal qu’elles se sont concrétisées.
« Je pense que commencer une carrière musicale c’est possible en ville comme en région, mais ça se bâtit différemment », explique Simon Duchesne. « On a commencé au Lac, mais pour élargir nos horizons, pour pouvoir dire qu’on vit de la musique, je pense que c’est crucial de passer par la métropole. »
Montréal est-elle un passage obligé lorsqu’on souhaite devenir musicien? Est-il nécessaire de fuir la région pour réussir? « Les artistes ne sont pas contraints d’aller dans les grands centres, mais je ne sais pas si ça donne les mêmes résultats. De mon côté, je sentais que c’était à Montréal que ça se passait. Le Lac-St-Jean m’a formé artistiquement, mais Montréal est un milieu plus propice, il y a plus d’opportunités », poursuit le membre de Marie Céleste.
Si Montréal peut sembler être le seul milieu où le rêve est possible, Philippe Brach ne pense pas que c’est ce qui pousse les artistes à l’exode rural. « Je ne sais pas si les bands y vont parce qu’ils ressentent une pression, ou si c’est parce que ça leur tente de vivre le buzz de la grande scène montréalaise. » Il admet toutefois que la région n’est pas l’idéal en début de carrière. « Même à Montréal, ce n’est pas tout le monde qui est capable de faire des spectacles, alors au Saguenay, tu fais vite le tour. »
Une nouvelle ère
Pour Olivier Langevin, l’industrie musicale il y a une trentaine d’années et maintenant n’ont rien à voir. « Ce n’est pas pareil la façon de travailler dans les studios. À l’époque, aller à Montréal c’était vraiment une contrainte. Je pense qu’il y avait plus d’opportunités de jobs. Aujourd’hui, on fait beaucoup plus de travail à distance et les scènes régionales sont plus dynamiques qu’avant. » Effectivement, une récente étude pour le Groupe de travail sur la fréquentation des arts de la scène (GTFAS) a révélé que les régions intermédiaires et éloignées gagnaient plus de public au fil des ans et que la musique francophone y est bien ancrée.
Olivier Langevin et son groupe Galaxie ont sorti en février l’album À demain peut-être. (Crédit photo : Pierre Girard)
La pandémie aurait également changé beaucoup de choses selon Philippe Brach. « Avant, tous les jeunes quittaient les régions et c’était difficile de les ramener. Maintenant, les jeunes sortent des grandes villes pour s’établir en région. Aussi, les scènes régionales sont vivantes plus que jamais en ce moment. » Brach explique également que la technologie permet désormais de travailler n’importe où et de diffuser la musique facilement. Ainsi, être artiste à Montréal ou au Lac-St-Jean offre des opportunités plus similaires qu’avant.
Une chose est sûre pour Simon Duchesne, Olivier Langevin et Philippe Brach : débuter leur carrière à Montréal était une évidence. Pour les opportunités, pour les spectacles, pour la scène, oui, mais surtout pour développer leur identité et pour vivre de nouvelles expériences qu’ils pourraient raconter en musique.