La fourrure : le difficile équilibre entre bien-être animal et éco-responsabilité

Share:

Photo We Animals Media. Les renards et les visons sont les seules espèces encore autorisées dans les fermes d’élevage canadiennes. Les conditions d’élevage ne respectent souvent pas les lois sur la protection des animaux. 

L’industrie de la fourrure bat aujourd’hui de l’aile au Québec et au Canada. Pour lui offrir un avenir plus florissant, des propositions d’alternatives écologiques et soucieuses du bien-être animal se frayent un chemin difficile entre les débats parfois controversés sur l’utilisation de la fourrure.  

Lisa Tourniaire 

2434588@etu.cegepjonquiere.ca  

« Le paradoxe des sociétés occidentales est qu’elles n’ont jamais été aussi sensibles au bien-être animal et en même temps destructrices de la biodiversité », explique l’anthropologue Charles Stépanoff dans un ouvrage publié en 2021 sur la chasse.  

Le marché de la fourrure est soumis à de multiples remises en question. D’un côté, les militants tels que la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA) ou encore PETA s’opposent fermement à l’utilisation d’animaux et à leur abattage pour la fabrication de vêtements. D’un autre, les entreprises de fourrure cherchent à tout prix à faire perdurer le secteur. Si aujourd’hui ces idées s’opposent, des organismes proposent des moyens de les allier.  

Une industrie fragile et incertaine  

L’industrie de la fourrure est fragilisée. « Beaucoup d’entreprises ferment, que ce soient des boutiques ou des tanneurs », affirme Andrée-Anne Hudon-Thibeault, agronome et chercheuse au Centre collégial de transfert technologique en innovation écoresponsable du Québec (EcoFaune Boréale). En plus d’un désintérêt global de la population et d’une vision parfois négative sur l’utilisation des animaux, le traitement de la fourrure est devenu peu rentable. Que ce soit pour les chasseurs et les trappeurs (la cynégétique), que les tanneurs (ceux qui traitent les peaux et les rendent utilisables pour les vêtements), que pour les vendeurs et les créateurs. Elle n’est également pas très accessible au grand public. « La fourrure fait vraiment partie d’une industrie de luxe aujourd’hui », avoue Camille Thomas, consultante chez MMode, spécialisée dans la gestion des entreprises de fourrure. 

Les fermes d’élevage ont contribué à donner une image négative de la fabrication de fourrure pour les mauvaises conditions de vie des animaux. Au Québec, en 1982, on enregistrait 226 fermes d’élevage. Aujourd’hui, il n’en reste plus que trois. D’après un sondage de Research Co en 2022, 76% des Québécois sont en faveur de l’interdiction de l’élevage d’animaux à fourrure. Le développement de textiles alternatifs ou de fausse-fourrure contribue à la rendre désuète, ce n’est plus le matériau principalement recherché pour sa qualité et son esthétique.  

« Pour relancer le marché, il y a surtout un enjeu d’acceptabilité important, on doit changer l’image qu’a la fourrure aujourd’hui », avance Andrée-Anne Hudon-Thibeault. 

Pour cela, l’importance de trouver des pratiques à la fois respectueuses de l’environnement et soucieuses du bien-être animal sont au centre des recherches.  

Des solutions liées à l’acceptabilité et l’écosystème  

Les alternatives plus « naturelles » à la fourrure sont parfois plus polluantes au niveau de leur fabrication. « Les fausses fourrures rejettent aussi des particules fines dans l’espace », selon l’institut Buckman. De plus, si le remodelage (entretien) et l’entreposage (conservation en période estivale) se font correctement, les fourrures ont une durée de vie beaucoup plus importante que les autres textiles. « Une peau bien entretenue peut durer une soixantaine d’années, même plus si on en prend soin », affirme Emmy Gauthier, qui travaille dans l’entreprise familiale Fourrures Gauthier. 

Photo : Truth about Fur. Emmy Gauthier dans l’atelier de Fourrures Gauthier à Chicoutimi. Elle compte reprendre les rênes de l’entreprise, afin de la faire perdurer.

Selon le ministère des Forêts, de la faune et des parcs (MFFP), la chasse et le piégeage permettent de réguler les populations d’animaux à fourrure parfois trop importantes. Un plan de gestion des animaux à fourrure est d’ailleurs établi en partenariat avec des chasseurs de 2018 à 2025 afin de présenter des quotas sur certaines espèces en prolifération comme les ratons-laveurs. La fourrure issue de la chasse de ces populations animales pourrait ensuite être utilisée et traitée.  

De plus, le centre Ecofaune Boréale propose une solution d’économie circulaire. « L’idée c’est de récupérer les peaux destinées à être jetées comme celles dans les abattoirs, afin de les réutiliser. Cela permettrait de ne pas avoir à les traiter comme des déchets et de ne pas tuer plus d’animaux pour se procurer des peaux », précise Andrée-Anne Hudon-Thibeault. 

Des perspectives plus prometteuses et durables 

Les effets du Covid ont significativement changé les habitudes de consommation. Aujourd’hui, les individus se tournent vers un commerce de proximité, avec des biens de seconde main et respectueux de l’environnement. « Dans ce contexte, on voudrait lancer un projet pour soutenir la reconnexion des différents acteurs de la chaîne de production, de l’éleveur au cordonnier, en passant par l’abatteur et le tanneur », explique Andrée-Anne Hudon-Thibeault. « Avec ça on pourrait relancer un marché local, plus soucieux du bien-être animal et de l’écosystème. » Ajouté à cela, dans leurs laboratoires, ils expérimentent des techniques afin de rendre le tannage plus éco-responsable, sans utiliser de traitements polluants. Selon Camille Thomas, « l’éco-responsabilité dans le traitement de la fourrure, c’est une propriété qui en fait toute sa beauté ». Ces recherches d’alternatives permettent donc de trouver un juste milieu entre les diverses opinions et de présenter les possibles solutions aux besoins des sociétés actuelles, en produisant et en consommant mieux.  

Cependant, au Canada, plus de trois millions d’animaux sont tués chaque année pour leur fourrure. La SPCA continue d’affirmer une reconnaissance du bien-être animal supérieure à toutes ces solutions. Selon le Code civil du Québec, modifié en 2015, « les animaux ne sont pas des biens mais des êtres vivants doués de sensibilité ». Ils prônent donc le traitement des animaux à la même hauteur que les humains. Selon eux, continuer de les tuer et d’utiliser leur fourrure n’est donc pas une solution durable.   

Share: