Le déneigement : « un domaine qui demande beaucoup d’énergie mentale »

C’est la première année en tant que conducteur chez Le Roi Desneiges pour Dany St-Germain. (Crédit photo : Virginie Mailloux)
Dans la région, les professionnels du déneigement ont une montagne de travail à surmonter avant même les premières neiges. Dans ce milieu compétitif, la survie n’est pas garantie. Les entreprises ne peuvent pas se permettre de faux pas.
Virginie Mailloux
Depuis 10 ans, le propriétaire et co-fondateur de l’entreprise de déneigement Le Roi Desneiges, Guy Tremblay, œuvre auprès de sa clientèle fidèle. À chaque année, il renouvelle les contrats à partir du mois d’août. Son équipe installe 2600 balises d’entrée dans les secteurs de Jonquière, Arvida et Kénogami.

L’épouse de M. Tremblay, Sergine Bouchard, s’occupe de la comptabilité de l’entreprise. (Crédit photo : Virginie Mailloux)
Pour l’entrepreneur de 59 ans, c’est une charge de travail colossale. « Ce sont des entreprises qui demandent beaucoup de temps et d’énergie. Dans les premières années c’était des 16 heures de travail par jour minimum. »
Avec 20 conducteurs et 22 tracteurs, Le Roi Desneiges est la plus grande compagnie de déneigement de l’arrondissement de Jonquière. Guy Tremblay a environ 18 compétiteurs. Les dépenses montent à chaque année et la majorité des déneigeurs doivent augmenter leurs tarifs pour boucler leur budget.
Cette année, M. Tremblay n’a pas voulu modifier ses prix. « C’est là peut-être qu’ils seraient allés voir la compétition », estime-t-il. Parmi les entreprises environnantes, il est l’un des seuls qui a pu se le permettre.
Un milieu exigeant
Depuis 1995, Robin Morin offre des services de déneigement dans l’arrondissement de Chicoutimi. Tout comme Le Roi Desneiges, ils concentrent leurs activités dans un secteur restreint. « C’est là qu’on gagne du temps et qu’on peut faire le plus grand nombre de clients. Plus tu es éparpillé, moins tu es efficace », explique la coordonnatrice de Robin Morin, Nathalie Tanguay.
Pourtant, de nouvelles compagnies de déneigement décident d’étendre leur territoire pour gagner le plus grand nombre de clients possible. Selon M. Tremblay, c’est un faux pas qui peut s’avérer fatal. « Ils font tous la même erreur, ils sont très écartés sur une grande distance et ils font des bons prix. […] Le problème c’est que plus tu t’éloignes de ta base, moins tu donnes un bon service parce que tu roules trop longtemps pour arriver chez ton client. »

Les conducteurs de tracteurs ont chacun un trajet attitré chez le Roi Desneiges. (Crédit photo : Virginie Mailloux)
M. Tremblay a conseillé un ancien collègue qui a ouvert sa propre entreprise il y a quelques années. « Ça a l’air qu’il en arrache en ce moment. Il y a une différence entre avoir les explications et le faire », soupire-t-il. L’entrepreneur soutient que le milieu est intransigeant et qu’il est crucial de compter adéquatement chaque dépense. « J’en ai vu décoller dans le déneigement qui ne finissait même pas l’année. Arrivé en janvier-février et ils avaient tout flambé leur cash parce que l’argent rentre, mais ça ressort facilement, c’est vraiment une question de gestion. Il ne faut pas jeter son argent par les fenêtres. »
La compétition n’est pas une source d’anxiété pour Mme Tanguay. « Je pense qu’il faut apprendre à voir le verre à moitié plein au lieu d’à moitié vide. Si un compétiteur vient nous prendre plusieurs clients, je pense que c’est un beau défi. Je veux montrer que notre service est meilleur que le sien et que peut-être que le client a commis une erreur. » Malgré les défis énormes qui se présentent à chaque hiver, elle tâche de se réveiller chaque matin avec une chose en tête : « Je vais faire de mon mieux aujourd’hui. »
Pourtant, sa détermination est parfois minée par une minorité de clients insatisfaits. « Ce n’est pas nécessairement une quantité astronomique. Mais c’est très efficace la façon dont ces clients vont amener leur critique. Il n’y a rien de constructif dans leurs commentaires. »
« Les gens sont extrêmement méchants. »
Depuis quelques années, Nathalie Tanguay, observe une tendance négative auprès de leur clientèle. « Dans mes débuts, ça me faisait plaisir de répondre durant des grosses tempêtes parce que les gens étaient polis. Aujourd’hui je ne le fais plus parce que c’est rendu désagréable. C’est très lourd et ça affecte ton quotidien. Il faut faire la coupure entre le travail et la vie privée », admet-t-elle.
Elle explique que les attaques dépassent parfois la limite. « J’ai déjà des clients qui ont littéralement embarqué dans le tracteur. J’ai déjà un opérateur qui s’est fait menacer de se faire tirer. »
« C’est dur mentalement. »
L’équipe de Guy Tremblay doit également faire face à un percentile de clients mécontents. « Les compagnies qui commencent je leur souhaite bonne chance. Parce qu’ils vont recevoir les mêmes plaintes que nous autres », appuie-t-il. Après une décennie passée à répondre au téléphone en tout temps, même le dimanche, l’entrepreneur avoue être épuisé. Il songe alors à passer le flambeau






