Marché du cannabis : les rêves brisés

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Exploitation de cannabis. Photo: Richard T., Unplash

 

Le marché du cannabis en a fait rêver plus d’un lors de sa légalisation. Mais peu ont réussi à s’y faire une place. Si bien qu’aujourd’hui, les exploitants déconseillent à quiconque de se lancer, sous peine de ne jamais pouvoir vendre et de faire faillite. 

Sur le terrain, la désillusion est présente. « Ce n’est pas aussi rentable que ce à quoi on s’attend. Les coûts sont élevés, les marges minces. Comme dans les autres industries agricoles, ce ne sont pas les producteurs qui reçoivent le plus d’argent », déplore le directeur des opérations de la micro- production située en Outaouais, 309 Lab Inc, Philippe Curtis. 

Pour lui, le problème vient du monopole qu’exerce la SQDC. « Un monopole, ce n’est jamais très bon, surtout dans les milieux agricoles. C’est très limitant, elle a la mainmise sur l’industrie et sur les prix. Malheureusement, ils ont toute l’influence du marché, et nous n’avons pas le choix de suivre, mais c’est compliqué. » 

 

De désillusions en désillusions 

Nombreux sont ceux à s’être lancés, dépensant des budgets conséquents pour ouvrir leurs entreprises. « Le coût est très aléatoire. Il va de quelques millions pour les micro-entreprises, à plusieurs dizaines, voire centaines de millions pour les plus grosses », décrit le président directeur général de l’Association québécoise de l’industrie du cannabis (AQIC), Pierre Leclerc.  

Pourtant, « 80 à 85 % des entreprises ne seront pas rentables d’ici trois ans. Le retour d’investissement sera très long, pour celles où il y aura un retour sur investissement. En réalité, seulement une ou deux compagnies publiques sont rentables », continue le président. 

Pour 309 Lab Inc., « l’investissement est d’environ un million pour le bâtiment de 200 m2 et les licences », selon Philippe Curtis. Ça représente environ 400 plantes. »  

L’entreprise 5 points cannabis, située dans le centre-du-Québec, a coûté cinq millions de plus. Selon les détails du directeur des opérations, Joël Lalancette « le plus cher est la sécurité. Un demi-million y est dédié. Nous avons 125 caméras dont les enregistrements sont gardés au moins un ou deux ans. Ici, c’est plus sécurisé qu’une prison ! » 

Les difficultés ne s’arrêtent pas là, « il faut entamer un long processus pour obtenir des licences. C’est très réglementé. La législation mise en place est extrêmement prudente. Une fois obtenues, elles sont très strictes. Il faut les suivre à la lettre », explique Pierre Leclerc. 

Une fois toutes les licences en main et la production lancée, les exploitants agricoles ne sont pas sûrs de pouvoir vendre. Le président directeur général de l’AQIC détaille : « Il faut faire retenir son produit auprès de la SQDC. Tous ne sont pas sélectionnés, et n’ont donc pas les droits de vente. Beaucoup se lancent sans savoir qu’ils ne pourront jamais vendre. 

Dans des points de vente commun, ils doivent aussi réussir à se différencier. « Il faut un produit spécial, avec une meilleure production, tout en ayant des marges très faibles », détaille Pierre Leclerc. 

Le problème des ventes impacte directement la rentabilité des entreprises. « Selon la première projection, nous devions être rentables en un an, aujourd’hui il nous faut plus de trois à cinq ans, détaille Phillips Curtis. La production de cannabis est loin d’être comme on le pense. » 

Les exploitants agricoles travaillent de nombreuses heures pour rester à flot. «Environ 80 heures par semaine, compte le directeur de 5 point cannabis. Les compétences demandées sont très dures, il n’y a pas de marché. Et 6 % des fleurs sont détruites car il n’y a pas de ventes. Je ne conseillerais à personne de se lancer. » 

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Photo Amandine Rossato