Comprendre la prématurité de façon imagée

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Viviane et sa maman Émilie avec une photo de Viviane à l’hôpital. Émilie a conservé, dans une boîte à souvenirs, le sipape qui permettait à Viviane de respirer quand toute seule elle n’y arrivait pas. Photo : Galane Maréchal

 

Viviane est assise sur les genoux de sa maman avec sa petite bouille et ses lunettes roses penchées en raison de la branche droite tenue par un morceau de ruban adhésif. Elle a plus d’un an mais elle ne parle pas encore. Les gestes compensent. Elle sort sa langue, le regard tourné vers sa maman. Émilie sait ce que sa petite quatrième réclame : du lait. Née trop tôt, Viviane est prématurée.

Le livre de 1,8 livre est sorti lui aussi prématurément le 17 novembre, un mois avant la parution initiale. Cet ouvrage de quatre recueils aborde différents aspects de la prématurité à la fois par le visuel, le poids et les histoires.

Viviane est née le 10 août 2021, à 33 semaines. Une arrivée imprévue pour ses parents Émilie Morneau-Guérin et Francis Desjardins. « Je me suis réveillée en pleine nuit, mon lit était inondé. Et là c’est vraiment le choc, ça ne se peut pas, je ne peux pas être en train d’accoucher », témoigne Émilie, avec émotion.

L’accouchement a été difficile psychologiquement pour la maman. « Tout le long j’ai pleuré. Je ne voulais pas qu’elle sorte. J’ai fait un gros déni. Ça m’a pris trois jours à comprendre que mon bébé n’était plus dans mon ventre », se remémore-t-elle.

La prématurité touche 12 000 parents chaque année. C’est lorsque l’enfant naît avant 37 semaines de grossesse. Avant 32 semaines, le bébé est considéré comme grand prématuré.

Aliyah, Maeve et Caryann sont nées à 26 semaines, à 5 heures de leur future maison de Chicoutimi. Leur mère, Chantale Jalbert, a accouché seule à l’hôpital Sainte-Justine à Montréal où elle avait été transférée à sa 15e semaine de gestation à cause de difficultés durant sa grossesse.

Maeve, Aliyah et Caryann ont aujourd’hui quatre ans. Elles ont traversé beaucoup d’épreuves. La prématurité a encore des impacts sur Aliyah et Maeve qui ont un risque d’autisme. Photo : Galane Maréchal

 

Les triplées sont restées trois mois et demi à l’hôpital.

« Tu ne veux pas voir ton bébé se battre pour sa vie pendant des mois. On savait ce qui nous attendait, mais pour des prématurés de 30 semaines pas de 26. Ça a été un gros choc. Quatre semaines représentent une bonne différence pour des bébés », explique Chantale assise à côté d’Aliyah qui tousse. Elle a eu une paralysie cérébrale qui impacte ses jambes et ses pieds et complique ses déplacements.

« Les triplées pesaient environ 1,5 livre  à leur naissance. Je pouvais tenir une de mes filles dans le creux de ma main », se rappelle Michel Truchon émerveillé par cette fragilité et en même temps apeuré de ne pas être assez délicat.

Maeve, Aliyah et Caryann avec leurs parents Chantale Jalbert et Michel Truchon. Photo : Galane Maréchal

 

En région, il n’y a pas d’unités néonatales pour les grands prématurés, les parents doivent se rendre à Québec ou à Montréal dans une des six unités. Il n’y a pas non plus d’organisme dédié à la prématurité au Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais il y a la Maison des familles à Chicoutimi qui peut venir en aide et soutenir les parents.

Un ouvrage noble

L’organisme de référence en prématurité, Préma Québec, récoltera tous les profits  de la vente du livre, pour aider les familles dans cette situation.

L’agence de création LG2 est à l’origine de cet ouvrage écrit et illustré par quatre écrivains et quatre illustrateurs québécois.

« Réussir à respecter le poids de 1,8 livre a été un défi technique. C’est le poids moyen d’un grand prématuré. L’idée pour qu’elle soit grandiose, elle doit être vraie. Il fallait qu’en posant le livre sur la balance, il pèse exactement 1,8 livre. Toute l’essence de l’idée était là, quand on prend un bébé prématuré il est tellement léger que tu penses à la fragilité que tu as dans les mains », raconte enthousiasmé le directeur de création de l’agence LG2, Frédéric Tremblay.

Avancer à son rythme

Un enfant prématuré naît avec de l’avance, il a donc un âge réel et un âge corrigé jusqu’à  ses deux ans environ, selon Préma-Québec. Viviane a aujourd’hui 16 mois en âge réel, mais 14 et demi en âge corrigé. Elle est plus fragile sur le plan pulmonaire. Elle a un développement plus lent que la moyenne.

Les rendez-vous avec les médecins sont une routine la première année puis plus le temps passe, plus les rencontres médicales sont espacées. « Doucement je vois la lumière dont tout le monde me parle », décrit Émilie, soulagée, en embrassant avec douceur et amour le front de sa petite dernière.

La fratrie impactée

C’était difficile pour les frères et sœurs de Viviane aussi. Leur mère n’était pas souvent à la maison.

« On a travaillé avec eux, à désamorcer et à construire un début de relation à distance, le plus serein possible. Mon conjoint était très présent et essayait de les faire verbaliser. On ne voulait vraiment pas que les enfants soient fâchés contre Viviane, qu’ils pensent qu’elle a volé maman pour un temps », raconte Émilie.

Une situation aussi difficile pour le père de Viviane. Pendant que sa femme était à l’hôpital, il s’occupait des trois autres enfants de la fratrie. « Quand Viviane est sortie de l’hôpital, fin septembre, un jeudi, il reprenait le travail le lundi suivant, explique Émilie. Il a donc passé beaucoup de temps avec elle les fins de semaine pour créer le lien qu’il n’avait pas pu faire plus tôt. »

« La prématurité travaille beaucoup la patience. On a beaucoup de questions sur la santé de son bébé mais peu de réponses. C’est Viviane qui a les réponses et elle va nous les donner au fil des semaines, en grandissant », espère Émilie, les yeux remplis d’amour.

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