(Dé)tourner sa langue : une réflexion percutante

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Klervi Thienpont a grandement été inspirée par l’ouvrage « La langue rapaillée » d’Anne-Marie Beaudoin-Bégin. (Photo : Virginie Mailloux)

Le spectacle (Dé)tourner sa langue, présenté mardi soir à la salle Pierrette-Gaudreault du Centre culturel du Mont-Jacob à Jonquière, est un cri du cœur qui appelle à la réflexion sur les normes de la langue française. La comédienne et autrice, Klervi Thienpont encourage tous et chacun à se défaire des chaînes de l’insécurité linguistique.  

Sur scène, (Dé)tourner sa langue débute comme une conférence universitaire ordinaire. La comédienne et autrice, Klervi Thienpont, présente son mémoire de maîtrise sur l’oralité de la langue au théâtre. Bien rapidement, elle abandonne son ton sérieux initial et invite le public dans un univers plein d’humour et de réflexions profondes. L’utilisation adroite d’éléments audiovisuels plonge les spectateurs dans son processus créatif et intellectuel. D’extraits de capsules linguistiques de Guy Bertrand, en passant par des archives de Céline Dion qui adopte un accent franchouillard en entrevue avec une journaliste française, jusqu’à des numéros de karaoké et des lectures de poèmes, la comédienne passe rapidement d’un « sketch » à l’autre, tout en gardant le public envoûté. 

Klervi Thienpont qualifie son spectacle de « conférence performative » (Photo : Virginie Mailloux)

Il s’agit d’une œuvre qui résonne à travers toute la francophonie et qui invite à une réflexion sur notre lien à la langue. C’est l’ambition de son autrice, et c’est précisément ce qu’elle a réussi à réaliser avec Détourner sa langue. 

« Mon souci c’était de rendre accessible toutes ces réflexions-là que j’ai eu autour de l’oralité de la langue au théâtre mais plus largement autour de notre identité, de notre rapport à la langue au Québec et à cette insécurité linguistique », a confié la comédienne dans une entrevue accordée quelques heures avant la représentation.

Cette insécurité peut prendre diverses formes, comme cacher son accent lorsque l’on voyage à l’étranger et exiger un français « normatif » ou sans accent sur les scènes théâtrales québécoises, selon Klervi Thienpont. « C’est le sentiment de malaise et d’infériorité qui peut se manifester lorsque notre variation du français n’est pas la même que la norme officielle », explique la comédienne. 

La naissance d’un spectacle 

Diplômée en 2003 du Conservatoire d’art dramatique de Québec, la comédienne a exploré de nombreux horizons : théâtre, cinéma, télévision, doublage, et théâtre jeunesse. Pendant ses études, elle a profité d’une longueur d’avance sur certains de ses camarades, grâce à sa maîtrise de l’accent français « normatif », sans doute influencée par sa mère belge. Les portes s’ouvrent grand pour la jeune Klervi qui peut alors incarner plus que de simples personnages québécois. 

Bien des années plus tard, lors d’une audition, elle apprend qu’elle a apparemment un accent européen qui lui permet de s’inscrire dans la « diversité culturelle » de la scène québécoise. C’est un bouleversement identitaire pour la comédienne qui a pourtant grandi dans le Centre-du-Québec. Cette confrontation la marque tant, qu’elle inspire son sujet de maîtrise à l’École supérieure de théâtre de l’UQAM.  

L’écriture de la pièce Détourner sa langue repose sur son mémoire de maîtrise, pièce qui tourne depuis deux saisons et qui s’arrêtera à la salle Michel-Côté à Alma mercredi. 

 

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