La langue des signes québécoise en déclin

Valérie Girard est interprète scolaire dans le centre de service scolaire de la Jonquière pour accompagner l’apprentissage d’une jeune élève malentendante.
La langue des signes québécoise (LSQ) est de moins en moins utilisée dans la région. La technologie moderne, les changements d’habitudes et le manque de ressources sont pointés du doigt pour expliquer cette baisse.
La coordonnatrice de l’Association québécoise pour les enfants avec problèmes auditifs (AQEPA), Fanny Pante, remarque que la LSQ devient une solution secondaire pour aider les enfants ayant une surdité. « Si on n’a pas les services, on va peut-être plus facilement orienter les parents vers un mode de communication orale. Donc on va appareiller l’enfant, opter pour l’implant cochléaire puis l’enfant va avoir beaucoup de séances d’orthophonie pour être capable de s’exprimer puis de faire de la lecture labiale et tout », explique-t-elle.
Surtout chez les jeunes, les solutions moins compliquées pour l’entourage entendant seront priorisées selon l’interprète scolaire, Valérie Girard. « C’est plus accessible de donner des technologies comme un micro pour le professeur qui est branché aux appareils de l’élève que de suivre ce jeune de A à Z. » Elle cite le manque de ressources dans les centres de services scolaires de la région comme un facteur de décisions en ce qui concerne les moyens de communication pour les personnes malentendantes.
L’interprète du Service régional d’interprétariat de l’Est du Québec (SRIEQ), Annick Bouchard, confirme que la communauté sourde et la LSQ s’éteignent dans la région. « C’est une population vieillissante, qui est aussi dispersée sur un gros territoire donc c’est plus difficile d’organiser des activités et de garder la communauté vivante », déplore-t-elle. C’est une réalité de plus en plus présente, d’autant plus que les jeunes atteints de surdité sont plus souvent intégrés dans la vie entendante que dans la communauté sourde. « Dans les années 60-70 et avant, les enfants sourds étaient envoyés en ville dans les écoles spécialisées pour leurs besoins et à l’âge adulte, ils revenaient en région, ça alimentait cette communauté », explique l’interprète Annick Bouchard, qui travaille maintenant avec ces personnes.
D’après Fanny Pante de l’AQEPA, la langue des signes est aussi mise de côté à cause du manque de ressources de proximité. « Si t’as pas d’accès, si t’as pas moyen de l’apprendre, si t’as pas moyen de la pratiquer, puis même admettons que t’as moyen d’apprendre et de la pratiquer, mais que personne ne peut te donner du service dans cette langue, ça ne sert à rien », commente-t-elle.

Aucun cours d’apprentissage ou d’interprétation de la langue des signes québécoise (LSQ) en personne n’est disponible dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Les personnes sourdes et malentendantes doivent donc se déplacer dans les grands centres ou encore, se tourner vers des cours en ligne pour apprendre.
Les services d’interprétation
À Saguenay, il y a plusieurs interprètes scolaires comme Valérie Girard qui accompagne présentement le parcours scolaire d’une jeune Saguenéenne. Annick Bouchard de son côté dessert les besoins du reste de la population. Comme les options de formations sont toutes éloignées, ce métier est difficile à accéder en région.
Effectivement, il n’y a pas de cours disponible dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour apprendre la langue des signes ou pour devenir interprète. L’Université de Montréal a inauguré un certificat en interprétation pour rendre la formation plus accessible.
Mais pour les habitants des régions, il faudrait que de telles formations soient disponibles à distance. « Je me dis qu’après toutes ces années, j’aimerais ça avoir le papier officiel. Mais c’est que les heures ne sont vraiment pas pratiques. C’est de jour, mais moi je voudrais continuer mon travail d’interprète le jour, puis faire la formation le soir même si ça prend plus longtemps », exprime Valérie Girard qui est éducatrice spécialisée de formation. Elle s’est ensuite spécialisée en interprétation par besoin à l’aide d’une AEC du Cégep de La Pocatière à distance.
La coordonnatrice de l’AQEPA, Fanny Pante, ajoute que les services d’interprétation disponibles au Saguenay–Lac-Saint-Jean répondent uniquement aux besoins essentiels. « Les personnes sourdes, elles ont besoin d’accessibilité partout, c’est-à-dire que dans la culture, dans les loisirs, encore une fois, c’est un frein linguistique. » Elle explique que la langue des signes est une langue comme une autre. « C’est aussi important que les rendez-vous médicaux, je crois que toi, quand tu n’as pas de loisirs, ta santé mentale en prend un coup », affirme Fanny Pante.
« Si c’étaient des personnes entendantes qui n’avaient pas accès à la culture, tout le monde monterait aux barricades », dénonce Fanny Pante






