L’aide médicale à mourir : les soins palliatifs oubliés

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Pour certains, l’aide médicale à mourir n’est pas une fin de vie idéale.
Photo : courtoisie

 

Au Québec, plus de 7 % des décès en 2022 résulteraient de l’aide médicale à mourir (AMM). Un chiffre qui devrait augmenter en 2023. Pour la directrice de la Maison de soins palliatifs du Saguenay, Martine Roy, les demandes d’aides à mourir deviennent trop nombreuses, alors que le manque de soins palliatifs se fait ressentir. 

« On parle très peu des soins palliatifs, les gens ne savent pas qu’ils peuvent y avoir recours et ils y ont très peu accès. » C’est l’estimation que fait la directrice de la Maison de soins palliatifs du Saguenay, Martine Roy. Dans son centre, quatre ou cinq personnes ont eu recours à l’aide médicale à mourir en 2022. 

Pour elle, l’urgence est d’être à l’écoute du patient et comprendre d’où vient son désir de mourir. « Quelle est cette souffrance ? Comment cela se fait-il que vous me demandiez d’abréger votre vie ? Il faut dire aux gens qu’on les entend. » 

Une vision partagée par le coordinateur du réseau citoyen Vivre dans la Dignité, Jasmin Lemieux-Lefebvre. « L’accès à l’AMM n’est pas un problème au Québec. Par contre, l’accès à des soins palliatifs de qualité dans le milieu de vie du choix du patient mériterait une grande amélioration : les besoins sont criants. » 

Pour rappel, la ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger, a déposé le 16 février le projet de loi 11. L’objectif ? Élargir les critères d’admissibilité aux soins de fin de vie, en matière d’aide médicale à mourir. 

Il ne sera donc plus obligatoire d’être en fin de vie pour demander l’accès à l’AMM. 

Une décision fortement critiquée par Jasmin Lemieux-Lefebvre. « Il y a une grande crainte de vieillir, une idée qu’on souffrirait. » 

Pour lui, l’attention devrait davantage être accordée aux soins palliatifs. « Il y a tellement à faire pour l’accès à de bons soins palliatifs, pourquoi on ne travaille pas à l’atteindre avant de songer à de nouveaux élargissements de l’AMM ? » 

 

Un manque crucial de psychologues formés 

Psychologue à Montréal dans une équipe de soins palliatifs à domicile, Louis Lepage ne comprend pas l’opposition qui est faite entre l’aide médicale à mourir et les soins palliatifs. 

« On entend dire que s’il y avait plus de soins palliatifs, il y aurait moins de recours à l’aide à mourir. Ce n’est pas la réalité. Même entourés de médecins, d’infirmiers, de psychologues, les gens demandent à recourir à l’AMM », a témoigné le psychologue. Avec une dizaine de patients à son actif, Louis Lepage accompagne chaque personne dans les démarches nécessaires et les aide psychologiquement, ainsi que leurs proches. 

Contrairement à Montréal, le réseau de psychologues traitant l’aide médicale à mourir est faible dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Contactés par La Pige, la majorité des professionnels de la santé a répondu ne pas avoir l’expertise nécessaire dans ce domaine. Un manque important alors que les personnes souffrantes ont pour la plupart besoin d’un suivi psychologique pour comprendre leur choix, mais aussi les aider à voir toutes les options s’offrant à eux. 

 

Pour Sarah Bérubé, « c’est beaucoup plus digne de choisir une date et de prendre le temps de dire au revoir ». Photo : courtoisie

 

« C’est la mort idéale. » 

Même si l’AMM continue de créer de nombreuses polémiques, pour certains c’est une décision mûrement réfléchie. 

« C’est la mort idéale. Avant de se détériorer complètement et de souffrir à l’agonie, c’est beaucoup plus digne de choisir une date et de prendre le temps de dire au revoir que d’étirer la souffrance très longtemps sans jamais savoir. » Atteinte d’une maladie rare nommée Ehlers-Danlos, soit une anomalie des tissus conjonctifs, Sarah Bérubé compte utiliser l’aide médicale à mourir. 

Âgée de 37 ans, elle a vu sa grand-mère opter pour l’AMM et souhaite faire de même. « J’ai des problèmes avec 80 % de mon corps actuellement. Quand un organe majeur va lâcher, je ferai ma demande. » 

Pour Jade*, dont le père est décédé avec l’aide à mourir, ce soin est une nécessité. « L’aide médicale à mourir est une bénédiction pour les personnes souffrantes. C’est tellement fait dans le respect. L’équipe médicale, les travailleurs sociaux et les infirmiers sont là pour nous avant, durant et après le départ de la personne aimée. » 

 De son côté, la Maison de soins palliatifs du Saguenay travaille sur une nouvelle expertise concernant l’encadrement des personnes souhaitant mourir chez elles. Comme le répète Martine Roy, « l’important c’est la dignité de la personne ». 

  

 Jade* = Ce prénom a été modifié.

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