Éducation : La motricité inquiète chez les jeunes

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Incapacité à tenir des ciseaux, manque de tonus, contrôle postural inadéquat : les cas de troubles de motricité sont de plus en plus flagrants chez les jeunes enfants. Un constat qui pourrait notamment s’expliquer par le manque de jeu actif et de ressources selon des intervenants du milieu éducatif.

Qu’elle soit fine ou globale, la motricité est une étape cruciale dans le développement de l’enfant jusqu’à l’âge de 8 ans, selon le site web Naitre et grandir.

Pourtant, des compétences de base comme la prise d’un objet ou la posture ne sont plus aussi acquises qu’avant si l’on en croit les propos de Stéphanie Labine, enseignante au préscolaire, qui juge que la motricité des jeunes s’est détériorée dans les cinq dernières années. Selon elle, les cas d’enfants ayant de la difficulté à tenir un simple crayon ou encore une paire de ciseaux lors de leur entrée en maternelle sont aujourd’hui devenus monnaie courante.

Sans surprise, celle qui compte 23 ans d’expérience en enseignement, dont 16 au préscolaire, croit que le temps passé sur des écrans au détriment du jeu actif y est pour quelque chose.

« Quand on se raconte notre fin de semaine en groupe, oui, il y en a qui vont nous dire qu’ils ont fait du patin, mais il y en a d’autres qui ont joué sur le téléphone de leurs parents toute la fin de semaine et qui n’ont pas mis le nez dehors », témoigne-t-elle.

Toutefois, Mme Labine note également certaines habitudes parentales qui ne sont pas aussi bénéfiques que l’on pourrait le croire.

« On est un peu dans une société bulle. On met les enfants dans du papier bulle parce qu’on ne veut pas qu’ils se blessent, mais la motricité part de là. Souvent maintenant, dès qu’ils sont bébés, on a tendance à les placer sur des sièges d’appoint pour qu’ils se tiennent assis. Mais je pense que la meilleure chose que l’on peut faire pour développer leur motricité dès un jeune âge, c’est de les laisser par terre. Ils vont ramper, ils vont marcher à quatre pattes, ils vont apprendre à s’asseoir par eux-mêmes », soutient l’enseignante.

Les retards en motricité fine sont importants pour certains élèves. (Photo : Courtoisie)

Quant à Naitre et grandir, le site web recommande d’exercer l’autonomie d’un enfant à partir de l’âge de 3 ans.

L’orthopédagogue Evelyne Paris et Mme Labine s’entendent aussi pour dire que la pandémie a joué un rôle important dans le retard de développement de certains élèves actuels qui avaient entre 1 an et 2 ans lorsque les restrictions de la COVID-19 ont frappé le Québec de plein fouet.

« On voit des élèves qui émergent en 5e ou 6e année pour qui le tracé des lettres ou l’espacement entre les mots n’est pas nécessairement acquis comme ça aurait dû être le cas depuis la 1ère année. On se rend compte que leur passage au secondaire risque de devenir un enjeu », précise Mme Paris.

Des ressources insuffisantes

Plaidoyer récurrent dans le milieu de l’éducation, le manque d’aide à la classe entre autres décrié par les enseignants lors des plus récentes grèves n’échappe pas aux ergothérapeutes. Ces spécialistes de la rééducation et de l’autonomie sont conséquemment en grande demande dans les écoles du Québec, mais peinent à y répondre en raison d’un manque d’effectifs.

Leur expertise envers les classes régulières se limite donc plus souvent qu’autrement en conseils livrés aux enseignants, faute de temps.

« [Les enseignants], on ne peut pas tout faire et être un orthophoniste, un ergothérapeute en plus d’une psychologue. Des fois, j’ai l’impression qu’on fait juste saupoudrer un peu partout sans aller au fond des choses », constate Mme Labine.

Pour ce qui est du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il est d’autant plus difficile de recruter des ergothérapeutes, puisque le baccalauréat n’existe pas dans la région, le plus proche étant offert à l’Université Laval.

« SI je compare avec la physiothérapie, maintenant il y a un programme universitaire ici en région. Ça donne une certaine chance de pouvoir retenir les étudiants de l’extérieur qui ont décidé d’étudier ici et de garder ceux qui viennent de la région », explique Jean-François Boily, ergothérapeute à la Clinique du Saguenay.

Selon l’Institut canadien d’information sur la santé, ce sont 11 484 ergothérapeutes qui pratiquaient au Québec en 2022, soit une augmentation de 2.5% par rapport à l’année précédente.

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