La santé mentale à l’épreuve du grand froid

En hiver, la dépression est beaucoup plus fréquente et touche majoritairement des femmes. (Carla Spindler)
Quand les couleurs d’automne laissent place à une couverture blanche, la santé mentale, elle, s’assombrit. Températures glaciales, manque de lumière et épisodes neigeux à répétition, le climat hivernal rigoureux du Saguenay arrive à grands pas et malheureusement, la dépression hivernale n’est pas un mythe.
« En Floride, le taux de dépression en hiver est de 1%, et au fur et à mesure qu’on monte au Canada, on peut atteindre 5 à 9%. Ça va même jusqu’à 30% dans le nord du pays, explique la Dre Suzanne Filion, psychologue clinicienne. On parle de dépression saisonnière ou trouble affectif saisonnier (TAS). »
Moins de neuf heures d’ensoleillement par jour en décembre, ce n’est pas sans conséquences pour l’organisme. En période hivernale, le manque de lumière affecte les hormones et le cerveau, mais empêche aussi la production de vitamine D qui détient des propriétés antidépressives. « Dans mon cabinet, j’ai plus de consultations en hiver, mais les études disent que les gens attendent 13 à 14 hivers avant d’accepter ce qui leur arrive et de consulter. Pour eux, il est normal d’hiberner pendant cette période alors qu’on n’a pas à tolérer ça », ajoute la Dre Filion.
« C’est comme si on marchait dans une piscine pleine »
Tout commence par le « blues hivernal ». Ce qui le caractérise : il est plus court, mais tout aussi intense. En moyenne, selon les statistiques, il touche près d’une personne sur trois. Les symptômes, eux, restent les mêmes. Baisse d’énergie, augmentation de l’appétit, perturbation du sommeil… « On se sent plus lourd. C’est comme si on marchait dans une piscine pleine : on ne peut plus avancer », illustre la consultante nationale en santé mentale.
Alors comment retrouver la légèreté ? Ne pas banaliser cet état de déprime en hiver est une règle que la Dre Filion s’est fixée lors de ses consultations. Mais pour être efficace, un véritable suivi se doit d’être mis en place. « Malheureusement, la santé mentale au Canada n’est pas une priorité », déplore la psychologue.
Selon le rapport de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) intitulé « L’état de la santé mentale au Canada 2024 », le Canada ne consacre que 6,3 % de son budget global de santé à la santé mentale, contre 15% pour la France ou encore 9% au Royaume-Uni.
De son côté, le Québec affiche tout de même le taux le plus élevé de bonne santé mentale dans le pays selon ce même rapport, et il le doit en partie aux actions des organismes locaux. « Nous encourageons et valorisons les personnes afin qu’elles aillent chercher du soutien et de l’accompagnement le plus souvent possible. Briser le silence est la solution », développe Sara Therrien, directrice des ressources humaines et des communications à l’Association canadienne pour la santé mentale de Saguenay. L’organisme, installé à Chicoutimi, prévoit notamment des ateliers de prévention et de dépistage autour de la santé mentale dans les écoles. Une solution parmi tant d’autres…
Puzzles, dessins, jardinage… Le 14 novembre, des ateliers ont été organisés toute la journée au Cégep de Jonquière à l’occasion de la Journée de la santé mentale au collégial. (Carla Spindler)
Un remède brillant
Pour arrêter de broyer du noir, la luminothérapie fait aussi des miracles. Une thérapeutique utilisée depuis 40 ans en Europe, mais encore méconnue au Canada. « Dans la rétine de l’œil, nous avons des neurones sensibles à la lumière qui permettent de sécréter de la sérotonine pour réguler notre humeur, explique la Dre Filion, auteure d’un livre sur la luminothérapie dont tous les profits sont reversés à des organismes de santé mentale. La lumière influence aussi le taux de mélatonine, l’hormone du sommeil, dans le corps et ainsi les rythmes circadiens, une section centrale dans le cerveau régissant certains processus physiologiques. »
C’est donc sans surprise que ces cures de lumière sont de plus en plus populaires au Québec. Selon les résultats de deux méta-analyses rapportées dans la publication médicale UpToDate, la luminothérapie serait efficace chez 60 % des patients. À une seule condition : s’exposer à une lampe de 10 000 lux quotidiennement, pendant au moins 30 minutes.
Bouger pour être en forme
Mais si tout le monde n’est pas adepte, d’autres alternatives sont toujours disponibles, comme le sport, même s’il ne fait pas l’unanimité. Selon un article du journal La Presse, bien qu’une grande majorité des Québécois (78 %) reconnaissent que l’activité physique améliore leur humeur, 23 % d’entre eux n’ont pas l’intention d’être plus actifs pendant les mois d’hiver. Alors, une dernière solution demeure : passer l’hiver au soleil.